Années 70 : Déjà tout pour dissuader le voyageur ou Comment noyer son chien

, par La rédaction

Nous publions le récit d’un (ex ?) usager, amoureux du train, que beaucoup connaissent, que nous trouvons authentique et parlant.
 
Suite à la re découverte d’un texte, émouvant, de JM Piernetz, lors de la reprise difficile et amputée, de la saison 2010 du Gentiane, je ré écris une réflexion, développée ailleurs, sur Bort Neussargues.
 
Entretemps, j’ai cherché des renseignements, sur QuercyRail, et sa ligne, avant sa fermeture. J’y ai trouvé, là aussi, le nom de Pompidou. Ce Politique aurait donc soutenu Cahors Capdenac et le triangle du Cantal, parce que ça touchait sa résidence de Cajarc ou son village de naissance. Sur les lignes en impasse, à Bort, d’autres raisons ont été invoquées, comme le fait que le rétablissement de la liaison au Nord (et vers Paris) a avorté.
 
Je serai plus prosaïque. Dès lors que j’ai eu découvert qu’il y avait une vie (du Rail) en dehors de nos trajets familiaux Lyon Brioude Massiac, j’ai tenté d’aller à Bort, via LA ligne interdite, dont j’aimais tant voir courir les rails, lors de mes balades mais où je n’ai jamais croisé un convoi. Des années durant, avec le Solex puis le cyclo Peugeot puis la R 8 , la 404 etc, je me suis rendu à Neussargues, pour consulter les horribles horaires. Je n’avais pas Internet, dans les années 60. Rien à faire, traimpossible de parcourir cet itinéraire.
 
Premier départ, aux aurores. Second, guère plus tard. Retour ? Tard en soirée. Et même, retour impossible, dans la journée. Peut être le triangle offrait il une perspective, à partir d’Aurillac, mais il fallait s’y rendre la veille, ou y parvenir, en auto, tout en ayant pris la route avant le lever du jour.
 
Je crois me souvenir que l’attente à Bort était de plusieurs heures, si retour possible. Dans cette cité si touristique, si animée, de quoi se flinguer !
 
C’est seulement vers la fin des années 70 que j’ai découvert un triangle praticable, à partir de Bort. Je passais septembre en cure, à Le Mont Dore. Le périple m’obligeait à louper une séance de l’après midi. Or, le carnet de soins était tamponné, et une absence de trop pouvait nuire à la prise en charge ...
 
Il ne faut pas croire que ces lignes ne suscitaient pas d’intérêt. Les « sac à dos » étaient alors bien présents, sur les quais. Sauf que nul ne pouvait voyager sncf sur le Haut Cantal, à l’époque. C’est rageant, de constater l’intense activité qui régnait, en gare de Neussargues, au moins deux fois par jour, et de ne pouvoir accéder à LA destination interdite.
 
Peu avant midi, je crois, il y avait des arrivées de Clermont, Béziers et Aurillac, et les départs correspondants. Rien, hélas, pour Bort, alors que c’était le cas, pour la concentration de 17 h passées (et une nuitée à dormir à Bort).
 
Les compositions étaient souvent maximales, six caisses, en autorail. Et bien occupées. Sur Neussargues Massiac, en pente, j’ai remarqué que, si un X 2400 était en queue d’un train mené par un X 2800 , il était inactif, non accessible aux voyageurs.
 
Il est, aussi, rageant de constater que ce manque criant a été comblé ... au transfert sur route ... La correspondance de midi a été instaurée, comblant enfin le vide pour aller à Bort, mais qui ce car pouvait il intéresser ?
 
Certes, pour des raisons croisées, les autorails du Triangle étaient fort peu remplis. Hélas probablement pas pire que Brioude Le Puy, et même le Cévenol, en 2016 . Pourtant, j’y ai eu rencontré du monde. Et il n’était pas facile de se lamenter sur le devenir de la ligne. Des gens y parlaient haut et fort. Tel cet individu, qui devait être un cheminot cégétiste, qui prétendait me prendre à témoin, de ces banquettes, occupées à plus de 50%. Ah, oui. A y réfléchir, ce devait être comme ce qui faisait ma fausse impression, sur Mende La Bastide. Ces gens qui descendaient, dans presque chaque petite station, en général, des vieux. Ce devaient être des retraités sncf, qui ne payaient pas et qui avaient un peu de nostalgie. L’aller retour, de leur hameau à la préfecture. Le restaurant ? Je voyais la famille qui les attendait, avec une auto.
 
La CGT ? Pour moi, un mythe, auquel je n’ai jamais pu adhérer, puisqu’elle n’avait pas de section pour les instits. Puis une nausée, bien ironisée par les sketches multiples de chansonniers, dont pas mal visent juste, hélas, sur ses dirigeants pas fins et son « efficacité » finale.
 
Les manifs de défense ? Des regroupements modestes, où j’imagine qu’il n’aurait pas été de bon ton qu’un « particulier » comme moi s’exprime. Possible de faire mille fois mieux : organiser un spécial, pour faire découvrir la ligne, enfin permettre, au moins, l’aller retour, impossible autrement, voire le triangle du Cantal. Pas question de gratuité pour les passagers. Sauf qu’un tarif alléchant aurait pu être offert. Or j’aurais donné cher, moi, pour simplement voyager sur ces hauts plateaux, si on me l’avait rendu possible.
 
On aurait eu, juste, un Neussargues - grottes de Cuze, cela aurait suffi à motiver du public. Bien que la ligne soit démunie de signalisation, pour faire plaisir aux puristes du règlement, le rebroussement aurait pu se faire à la gare de Ste Anastasie.
 
La fermeture voyageurs a eu lieu en 1990 . J’ai une video (du mauvais VHS) de la toute dernière montée, un 2800 et une XR rouge, vers ces grottes de Cuze. Des spéciaux ont encore pu être organisés, la ligne étant toujours ouverte aux marchandises. J’en ai des videos. Deux chefs de gare (Bas et Brioude) sont parvenus à remplir des convois de 5 voitures, qui refusaient du monde, les semaines avant. Après, ce fut impossible, et ils se rabattirent sur le Causses Aubrac, via Mende, avant que tout cela cesse.
 
Il est incroyable de constater la cupidité qui régnait alors. Le repas, cher, devait être présenté comme faisant partie du voyage. Le billet, seul, ne devait être proposé que pour éviter de perdre une famille, pour le Client qui trouvait le tout trop cher. C’était dans les instructions officielles !!! Je dois en avoir une copie. Il faut dire que le restaurateur faisait de sacrés cadeaux aux organisateurs.
 
Il y a aussi eu des spéciaux Office de Tourisme. Là, emporter son casse-croûte. Pas de prise illégale d’intérêts ! Recherche du tarif minimal.
 
Arrêt définitif, lors de la fermeture. Ensuite, il a été organisé des circuits passant à Garabit et bifurquant, à Séverac, pour Rodez puis retour par Decazeville etc. Merveilleux mais épuisant ! J’y allais pour voir, et n’ai hélas jamais filmé mes périples.
 
Baladur a décidé un moratoire, notamment pour Bort Mauriac Aurillac. Manoeuvre dilatoire, je ne sais pas qui l’a financée. J’en ai une video Benaben. Plus aucun entretien ... Les 2800 devaient avoir des ponts moteurs tout propres : l’herbe haute les essuyait ! Et causait aussi des dommages.
 
Grâce aux bénévoles, dont j’ai fait partie, la voie Bort Neussargues existe toujours, mais il manque l’ambiance qui régnait, du temps de l’activité, et la vitesse, indispensable pour apprécier un trajet. Même si elle était réduite à 50, dans certains endroits, cela donnait meilleure impression que de se traînasser à 30 maxi, et de stopper avant et après chaque PN.
 
Avant que SNCF et CGT réussissent à faire du Passé table rase, comme dans la chanson, et elles en sont bien proches, restait à supprimer une rarissime possibilité de périple en un jour. Arvant Flour Mende et retour par Le Cévenol. Départ vers 11h par le Clermont Toulouse et son rituel X 2800 + XR 6000. Arrivée à Arvant vers 18 h. Yves Allain nous y avait fait faire un voyage 3ACF, de début de printemps. Je l’ai refait, au moins une fois par an, tant que j’ai pu.
 
A Neussargues, une Z 7100 prenait le relais, avant que ce soit une magnifique Z 2 ... et plus rien, que mon dernier périple se termine là, circulation supprimée, et retour en stop, il y a 20 ans. Billet impossible à rembourser : c’était un « congé populaire », et j’avais remarqué, sur le cahier de l’inspection cacamerdique, que, d’une année l’autre, nul autre n’avait profité de cet avantage. On finit par comprendre pourquoi. Fervent du Rail, un doux écologiste a été menacé de divorce, par sa tendre Bernadette, une collègue, s’il persistait à prétendre partir en train. Trop de mésaventures, dont une lui avait valu de descendre sur la voie, avec d’autres, à Nîmes, pour tout bloquer, car ils se trouvaient devant la perspective de passer la nuit sur place, un retard ayant fait qu’il n’y avait plus de correspondance SNCF c’est possible...

 
ROCHE Jean-Louis, Instituteur public en retraite.