Réouvertures de lignes ferroviaires en Auvergne Rhône Alpes : pourquoi tant d’hésitations ?

, par La rédaction

Les autres régions opèrent depuis une quinzaine d’années de nombreuses réouvertures de lignes. Très peu pour le moment dans la région de Laurent Wauquiez. Nous nous interrogeons sur les raisons.
 
Les réouvertures : une nécessité pour les habitants
 
Scandaleusement abandonnées et amenées vers l’agonie par la SNCF qui en avait pourtant la charge depuis 1938 ainsi que par l’état français à partir des années 60, ce dernier n’ayant voulu investir que dans les grandes lignes TGV et le tout automobile, les tendances climatiques et la forte demande des citoyens à réduire l’impact carbone des déplacements devraient réorienter les volontés de nos politiques et des technocrates parisiens afin de les remettre en course.
 
Certains l’ont d’ailleurs bien compris, et toutes tendances politiques confondues la plupart des présidents de région appuient désormais fortement les projets de réouverture de lignes. Ce n’est jamais chose facile puisque les demandes sont obligatoirement adressées puis menées pour le moment par SNCF Réseau et l’état, ceux qui ont justement tout fait pour déplumer le réseau national des liaisons qu’ils jugeaient non rentables. Oubliant en cela leur mission première d’assurer au public un service égalitaire et une couverture du territoire national équilibrée. Les notions honteuses de « petites lignes », de « lignes de desserte fine » inventées sous l’ère de Guillaume Pépy l’ex PDG de la SNCF, en disaient long sur la volonté destructrice du gugusse, il y a quelques années seulement.
 
Des exemples de réouvertures réussies
 
Il suffit que la volonté politique, qui a changé de camp maintenant puisque ce sont les régions qui gèrent les transports régionaux et qui ont donc leur mot à dire sur le réseau qu’elle doivent utiliser, il suffit que la volonté des édiles régionaux donc soit forte et l’opérateur ferroviaire ainsi que l’état suivent, souvent en traînant la patte et par obligation mais c’est nous semble-t-il, la seule façon de les faire bouger.
 
Citons dans l’ancienne région Midi Pyrénées, Martin Malvy qui rénova, avant 2015 et hors compétences, tout son réseau ferroviaire et dans l’actuelle région Occitanie Carole Delga et Jean-Luc Gibelin son délégué transports qui vont rouvrir le service sur Ales - Bessèges, sur Montréjeau - Luchon, sur Sèverac - Rodez et la ligne rive droite du Rhône pour les voyageurs. Citons en Provence Alpes Côte-d’Azur les réouvertures de Cannes - Grasse, d’Avignon - Carpentras et de Pertuis - Meyrargues par l’ancien président Michel Vauzelle et son délégué transports Jean-Yves Petit. En Corse après le succès sans précédent du retrait du réseau départemental de la gestion de SNCF Réseau, le conseil régional va rouvrir la ligne orientale entre Bonifacio et Casamozza.
 
La tentation la plus facile : lancer de longues études biaisées pour enterrer les projets
 
C’était toujours la tendance il y a quelques années, SNCF Réseau jouant le rôle extrêmement confortable de :
 destructeur et amaigrisseur historique du réseau
 maître d’oeuvre obligé des études de faisabilité en vue des éventuelles réouvertures
 maître d’oeuvre des travaux décidés
 
Les devis présentés par SNCF Réseau aux élus régionaux étaient ainsi doublés ou triplés, les délais systématiquement très allongés, pour décourager tout projet.
 
C’était sans compter sur l’apparition de quelques bureaux d’études indépendants vers lesquels les régions se sont naturellement tournées pour au moins avoir des arguments de discussion et d’autres chiffres dans leurs échanges avec le partenaire obligé SNCF Réseau.
 
C’était sans compter aussi sur la volonté farouche de quelques politiques désirant simplement rétablir leur réseau régional.
 
On pourra consulter un tableau, très incomplet, des projets de réouvertures et leur état d’avancement sur cette page Wikipédia.
 
Et en Auvergne Rhône Alpes ?
 
Une des possibles raisons de l’immobilité du conseil régional en Auvergne est la grandeur de la tâche à accomplir et donc l’investissement nécessaire puisque SNCF Réseau ne veut plus mettre un centime sur les lignes qu’elle a elle-même fermé. Alors le choix peut être difficile, notre territoire à lui seul a vu ces 40 dernières années de très nombreuses lignes directes fermer. Il doit sans doute détenir le triste record en France :
 
 Clermont-Ferrand Ussel Brives (Volvic Laqueuille)
 Clermont-Ferrand Saint-Etienne (Thiers Boën)
 Volvic Lapeyrouse
 Montluçon Ussel
 Clermont-Ferrand Laqueuille le Mont-Dore
 Moulins Commentry
 Saint-Germain-des-Fossés Gannat
 Saint-Pourçain La Ferté
 Gannat Barberier
 Vichy Cusset
 Pont de Dore Vichy
 Pont de Dore Ambert Estivareilles / Darsac Le Puy en Velay
 Neussargues Bort-les-Orgues
 
[source]
 
La gare d’Eygurandes Merlines en 2021, pour la correspondance sur la ligne Clermont Ussel Brives. On pouvait y partir pour Paris, Bordeaux, Aurillac, Lyon. C’était avant...

 
Toujours chez Trains Directs une liste de sections à rouvrir plus à jour ici .
 
Le problème c’est que dans un massif central enclavé tout le report des mobilités se fait sur le routier, alors qu’un réseau dense fonctionnait assez bien. La grande région a également en charge la partie Rhône Alpes où autant de lignes ont aussi été fermées.
 
Alors commencer par rouvrir celles qui ont un potentiel, celles qui relient de grosses agglomérations ? Oui dans un premier temps. Nous pensons que pour l’Auvergne les efforts devraient porter sur quelques lignes essentielles. S’il fallait en choisir deux ce serait :
 
 Thiers Boën qui relie les 3 métropoles de Clermont Saint-Etienne et Lyon. Un potentiel énorme. En premier.
 Vichy Pont-de-Dore Ambert dans un premier temps, pour désenclaver Ambert et redonner vie à la vallée de la Dore en perte de vitesse économique.
 
Pas de volonté = moins de budget
 
La région se cantonne pour le moment encore au même discours depuis 2016 : « Le train ce n’est pas essentiel, ça ne fonctionne pas bien, et il doit être complémentaire des autres moyens de transports. Mais on est embêté c’est notre premier budget... » Comme dans les autres régions d’ailleurs.
 
Nous répondons que non, un service de train efficace et de haut niveau est à reconstruire, il devra mettre au diapason les autres moyens de transports, notamment les bus, en complète synchronisation. Comment peut-il en être autrement ?
 
Oui nous rétorque-t-on mais nous payons très cher pour un service déficient. D’accord, le service n’est pas au top justement à cause d’abord du mauvais réseau, abandonné par l’état. Au lieu de dire « la région à elle seule ne peut pas mener ce chantier » une réponse intelligente à envisager serait plutôt : entraînons l’état dans un investissement ambitieux, il sera obligé de suivre. C’est ce que la région Occitanie a fait en mettant sur la table 800 millions d’euros jusqu’en 2030, forçant l’état à mettre le même montant. Tout le monde est gagnant et de cette façon on remet à niveau le réseau abandonné, on rouvre des lignes et on remet en marche un service disparu pour les habitants qui ne pourront qu’être reconnaissants.
 
Au lieu de cela on cède à la facilité et pour répondre au désir des habitants et des élus locaux qui réclament des réouvertures on lance des études longues, coûteuses et dépendantes de SNCF Réseau. Pour faire traîner, pour gonfler les devis, en connivence avec l’entreprise ferroviaire. Exemples :
 l’étude de la réouverture de la ligne Evian-les-Bains Saint-Gingolph en Haute-Savoie, une ligne de 18 km coupée en 1998, à la frontière avec la Suisse sera lancée fin 2022 et d’après les suisses l’inauguration aura lieu au mieux en... 2028. La réouverture d’Evian St-Gingolph permettra de faire le tour du Léman avec le Léman Express. gros bassin de population.

 l’étude de la réouverture de Thiers - Boën, 48 km, promise en 2020 est « sur le point » d’être lancée selon la région. Quant à une éventuelle ouverture... on croise les doigts.

A lire l’excellent billet de Letrain634269 sur la région Grand-Est (du même parti politique que Wauquiez) qui investit plusieurs millions d’€ dans la réouverture de la ligne Saint-Dié Epinal.
 
[en logo la gare de Saint-Gingolph ville frontalière franco suisse au bord du Léman qui va sans doute être reliée à nouveau à Evian les Bains en 2028]